Propos recueillis par Lidija Valtner
Danas (D.) : Quelles sont les données dont dispose le ministère de l’Intérieur serbe (MUP) sur le nombre de demandeurs d’asile en Allemagne, en Suède, en Belgique, en Autriche ?
Zorana Vlatković (Z.V.) : D’après les statistiques d’Eurostat, plus de 10.000 citoyens de Serbie ont demandé l’asile dans les pays membres de l’UE e 2010. La première vague, en mars, a déferlé surtout sur la Belgique mais, grâce à une collaboration efficace avec les autorités belges, nous avons pu la réfréner. La plupart des demandeurs étaient des réfugiés économiques issus de la minorité albanaise du sud de la Serbie. Il faut souligner que le droit d’asile est accordé comme une mesure de protection en cas d’expulsion systématique d’individus ou de groupes par des régimes non démocratiques. Il était donc évident que ce n’était pas le cas pour nos citoyens et c’est pourquoi nous utilisons le terme de « faux demandeurs d’asile ». Ce sont des personnes qui se sont renseignées, et ont appris que la procédure d’admission à l’asile durait plusieurs mois pendant lesquels les demandeurs bénéficiaient de l’assurance sociale, du logement, de la nourriture et d’autres prestations sociales de l’État... La plupart des demandes ont été refusées, certains demandeurs sont revenus volontairement et d’autres ont été renvoyés selon la procédure prévue par l’Accord de réadmission. La deuxième vague s’est manifestée à l’automne 2010 avec des demandes d’asile adressées à la Suède, l’Allemagne et la Belgique. Cette fois, ce sont surtout nos ressortissants rroms qui ont demandé l’asile à ces pays car ils accordaient les plus grands privilèges pendant la procédure d’admission. De nouveau, la plupart des demandeurs ont été renvoyés et les pays intéressés ont modifié leurs règlements et supprimé les prestations pécuniaires. Les premières données disponibles pour 2011 montrent une nette baisse des demandes d’asile soumises par des citoyens de Serbie.
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D. : Ces chiffres représentent un sérieux problème, ces pays ont-ils demandé aux autorités serbes de prendre des mesures à ce sujet ?
Z. V. : Bien sûr, le nombre de demandeurs d’asile dans l’Union est inquiétant et, dès le premier signal d’avertissement de l’UE, la Serbie a pris des mesures pour stopper ce phénomène. Nous ne sous-estimons pas le problème, mais nous pensons pour le moment que la libéralisation des visas n’est pas menacée. C’est un phénomène qui touche tous les pays qui ont obtenu la libéralisation des visas. La Roumanie est également confrontée à ce problème, mais nous croyons qu’avec la mise en place d’actions systématiques de l’État, avec l’aide des institutions de l’UE, et surtout une bonne collaboration avec les pays concernés, nous pourrons remédier significativement à cette situation.
D. : Quelles sont les principales tâches de la Commission de suivi des obligations liées à la libéralisation des visas ?
Z. V. : En raison de l’importance de ce problème, cette Commission, dirigée par le MUP (ministère de l’Intérieur, NdT), réunit des membres provenant des divers ministères et institutions. Le MUP est en principe chargé des conséquences, c’est-à-dire du retour de nos citoyens qui ont abusé du droit à l’asile. Il faut mettre l’accent sur la prévention, expliquer aux gens quels sont leurs droits, ce que signifie la libéralisation des visas, en leur rappelant que l’asile n’est pas une solution à leurs problèmes économiques.
D. : Le contrôle des frontières sera-t-il à l’avenir plus rigoureux et de quelle manière ? Les citoyens peuvent-ils s’attendre à des changements au passage des frontières ?
Z. V. : Le régime du passage des frontières restera inchangé, mais un contrôle plus sévère sera instauré pour déterminer le but du voyage et vérifier si les voyageurs ont suffisamment de ressources pour séjourner à l’étranger, ce qui est d’ailleurs contrôlé par la police des pays membres de l’UE lors de l’entrée dans ces pays.
D. : Comme le problème des faux demandeurs d’asile s’est manifesté quelques mois après la suppression des visas, est-ce que le MUP a enquêté sur les agences qui organise les voyages de ces demandeurs d’asile ? Ces actions se poursuivent-elles ?
Z. V. : Naturellement, les services du MUP vérifient constamment ces demandes et si les départs de nos citoyens à l’étranger sont organisés. Les entreprises de transport et les agences de voyages sont particulièrement contrôlées et, à cette fin, une collaboration efficace a été établie avec les polices d’Allemagne, de Belgique et de Suède, et surtout avec celle de Macédoine, car il s’agit souvent d’agences qui organisent le transport de Serbie et de Macédoine jusqu’à la même destination en Europe occidentale. Nous échangeons réciproquement nos informations qui sont constamment vérifiées.
D. : Comment fonctionne le système intégré aux frontières avec les pays de l’UE voisins de la Serbie ?
Z. V. : L’une des principales conditions pour entamer les discussions avec l’UE sur la suppression des visas était de modifier complètement le système de gestion des frontières, des visas, de l’asile et des migrations : le MUP devait mettre en oeuvre les réformes les plus importantes. Actuellement, nous pouvons dire que nous sommes en avance sur l’UE. Par exemple, la Serbie est, avec l’Allemagne, le seul pays qui a introduit dans les passeports biométriques un composant de deuxième génération. Il prend en compte les empreintes digitales, un critère qui sera introduit ultérieurement comme norme européenne. En fait, nous avons dû faire de gros investissements pour produire les documents biométriques et, comme le matériel devient rapidement obsolète, nous avons dû aller au-delà des normes européennes, pour ne pas devoir plus tard acheter encore un nouveau matériel. La mise en place d’un système de gestion intégré aux frontières implique une coordination de tous les services frontaliers au niveau central, régional et local, ainsi qu’une collaboration avec les frontières des pays voisins tout en respectant les normes et les procédures européennes. Après plusieurs missions d’experts européens effectuées en Serbie en 2009 afin de vérifier la mise en application des normes en ces domaines, l’UE a décidé d’instaurer la libéralisation des visas.
http://balkans.courriers.info/article17042.html