A la veille de quitter son poste, Robert Gates, secrétaire US à la Défense ne cache pas son hostilité au renforcement des dispositifs militaires en Afghanistan. Ses propos illustrent bien sa pensée : « Le prochain secrétaire à la Défense qui recommandera au président d’envoyer un contingent important de l’armée en Asie, au Moyen-Orient ou en Afrique devrait se faire examiner la tête ».
Par Jean-Marc Trappler
Il y a désormais consensus dans les familles politiques démocrates et républicaines aux États-Unis pour une pensée de désengagement dans ces zones d’enlisements. L’Afghanistan absorbant pour sa part et depuis dix ans, une grande partie du mécontentement général, mettant en cause même l’idée d’intérêts vitaux qui seraient défendus par notre présence en ces contrées, Afghanistan en particulier. « Notre présence », il s’agit ce celle de l’OTAN et de ses alliés, donc de la notre aussi. La question de nos intérêts vitaux se pose donc aussi car notre présence, en Afghanistan, découle très directement de celle de l’OTAN, Américains en particulier. Dire que nos intérêts vitaux sont liés à ceux de nos alliés n’est pas une ânerie. Quand allons-nous nous poser la même question de ces intérêts vitaux discutés aux Etats-Unis alors que nous faisons l’autruche ? Il y a toujours un décalage entre le moment ou un courant de pensée naît à Washington et le moment ou il nous arrive, mais le sujet nous impose une réflexion rapide et nous ne semblons pas y être intéressés, absolument convaincus que notre mission contre le terrorisme défend nos intérêts nationaux.
Où sont les bases talibanes qui menacent Paris ? Les indices du ralentissement de la pensée guerrière contre les talibans sont limpides : très vite passer le flambeau aux troupes régulières afghanes et repartir, progressivement mais sûrement. Cette prévision, pour 2014, est un vœu pieu car nous savons très bien que les troupes afghanes ne sont pas en capacité, ni aujourd’hui ni demain, de reprendre le flambeau de l’OTAN. L’illettrisme et la faible instruction des militaires afghans ne les placent pas en situation de tenir les rênes laissés par la plus grande coalition du monde ; mais bien plus en situation d’embrasser d’autres carrières plus lucratives. Nous pourrions les laisser se débrouiller seuls et repartir mais la réalité sera plus complexe encore. Nous resterons, partiellement, tant que les Afghans ne pourront régler seuls le problème taliban, désormais entièrement le leur, mais le notre toujours parce qu’enlisés dans une situation dont nous ne savons nous dépêtrer aujourd’hui espérant que ce sera fait demain. Nous sommes déjà très loin de nos intérêts vitaux qui seraient de partir, sans pour autant baisser la garde contre le terrorisme.
Les opinions ne fulminent pas encore mais les indices de réprobation sont forts, près des trois-quarts des Américains sont hostiles à cette guerre et souhaitent un retour rapide de leurs soldats. En France, l’opinion est identique mais sans grand soutien pour nos soldats, les Français se demandent bien ce qu’on est parti faire là bas mais le fait que les unités engagées soient professionnelles dégage peu d’empathie avec nos militaires.
Aujourd’hui que le monde arabe s’embrase, les récents évènements en Tunisie, Égypte et maintenant Libye, éclipsent l’Afghanistan et ses problèmes, tandis que se profile l’onde de choc dans un monde arabe remplit, lui, de nos intérêts vitaux.
L’Afghanistan et le Pakistan, que nous soutenons, sont dirigés, et cela compte dans les opinions, par des présidents aux mœurs politiques identiques à ceux qui viennent de tomber à Tunis, au Caire et bientôt à Tripoli. Alors à quoi bon soutenir d’un côté ce que nous réprouvons de l’autre, applaudissant à deux mains lorsqu’un dictateur corrompu tombe, et promettant à un autre le soutien implicite ? Les 3 premières révolutions arabes se sont faites sans Al-Quaïda, nous ferions bien d’y réfléchir et d’en tirer les conséquences.
Un autre aspect de cette guerre est son coût, astronomique pour les Américains, et pénalisant pour le budget de nos armées en France. A l’heure donc ou les Américains songent sérieusement à replier leurs dispositifs, nous ferions bien, à défaut de les précéder, de penser à la question avant que d’autres militaires ne tombent là bas, au champ d’honneur comme on dit, mais pour une cause qui a pris quelques rides depuis sa conception.
Les élections présidentielles françaises ne pèseront pas sur le sujet, mais les américaines, en 2014, se joueront sur le retrait.
http://www.armees.com/info/actualites/a-l-heure-des-revolutions-des-peuples-contre-les-regimes-autoritaires-et-corrompus-le-motif-de-la,39127.html
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