Ils s'appellent Chorus et Corège. Ces deux logiciels comptables en service au Quai d'Orsay - comme dans tous les ministères - mettent-ils en péril le séminaire du G20 consacré au système financier international, organisé fin mars en Chine et voulu par Nicolas Sarkozy, qui s'y rendra ? En tout état de cause, le numéro deux de l'ambassade de France à Pékin se fait des cheveux blancs.
Le 11 février dernier, à la veille du week-end, un télégramme diplomatique urgent signé Hervé Dejean de La Bâtie tire la sonnette d'alarme. "La plupart des téléphones portables de service des agents de cette ambassade à charge du département [le ministère] ont été coupés ce matin ou vont l'être ce soir, faute de paiement de la facture du mois de décembre 2010. Cette situation va désorganiser sérieusement le travail de l'ambassade, car le téléphone portable est un instrument de travail quotidien, et le standard n'est pas dimensionné pour gérer des appels en grand nombre. L'ambassade serait particulièrement démunie si une situation de crise devait survenir dans les jours qui viennent." Le ministre conseiller de l'ambassade à Pékin communique cependant des numéros de téléphone personnels, auxquels lui-même ainsi que le diplomate et l'agent du consulat de permanence durant le week-end seront joignables. La continuité du service public est assurée.
Lenteur
Pour quelle raison les factures n'ont-elles pas été honorées ? Le diplomate pointe "des dysfonctionnements et lenteurs" dus aux logiciels comptables Corège et Chorus. Un délai d'au moins quatorze jours s'avère nécessaire pour valider le règlement, alors qu'en Chine, "les paiements doivent être effectués dans les meilleurs délais". Il ajoute que les fournisseurs de l'ambassade font la sourde oreille face à ces obstacles comptables. "Il n'est pas possible de leur faire entendre qu'après avoir interrompu ses paiements, à partir du 10 décembre dernier (fin de la gestion 2010), l'ambassade n'est pas en mesure, deux mois plus tard, de les reprendre en raison de difficultés informatiques. L'argument n'est pas crédible en Chine."
Hervé Dejean de La Bâtie s'affirme "particulièrement soucieux" alors que le séminaire du G20 à Pékin, organisé par la France, approche. "Je comprends, en effet, que les crédits liés aux activités du G20 seront soumis aux délais inhérents à Chorus. Ceci sera tout simplement intenable dans un pays où les fournisseurs (restaurants, loueurs de voitures, etc.) exigent un paiement immédiat."
Retards de paiement des salaires
Au Venezuela, ce sont les agents recrutés localement par l'ambassade qui trinquent. Début mars, une trentaine d'entre eux n'avaient toujours pas reçu de salaire depuis fin décembre ! Dans un télégramme intitulé "Une situation intolérable à laquelle il convient de mettre un terme dans les meilleurs délais", l'ambassadeur Jean-Marc Laforêt évoque "la patience remarquable" des agents employés par l'État et regrette une situation qui "donne de notre administration une image déplorable".
Ces blocages révélés par Le Point font écho à la tribune d'agents "d'en bas" du Quai d'Orsay, en poste à Nantes, intitulée "Chez Jeannot", du nom du bar où ils l'ont rédigée : "Le passage, à grands frais, à un système comptable commun à l'ensemble de l'administration a généré des retards de paiement des salaires de nos agents recrutés localement et oblige nos comptables à ne pas décrocher lorsque nos fournisseurs appellent. Le silence radio des services centraux est alors éloquent. Abonnés absents. Même eux n'ont plus de ligne."