Il est probablement le seul dirigeant occidental, depuis que la révolution libyenne prend un méchant tour de guerre civile, à avoir parlé au colonel Kadhafi. Tony Blair, ancien Premier ministre britannique, a téléphoné vendredi à deux reprises au dirigeant libyen, aux abois, pour lui conseiller de se retirer sans délai et sans doute lui proposer une solution de repli. Car entre ses deux appels, Blair avait joint la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton pour vérifier - même s'il s'en défend - la faisabilité des solutions de retraite (le Venezuela d'Hugo Chavez ?) qu'il proposait au dictateur allumé de Tripoli.
Mais le colonel libyen s'est montré aussi buté que déconnecté de la réalité. Dans une interview accordée au Times, Tony Blair reconnaît que ses coups de téléphone ont fait chou blanc. Non seulement Kadhafi a refusé toute idée de démissionner, mais il a répété qu'il combattrait jusqu'à la mort s'il le fallait. L'ancien Premier ministre britannique a eu beau lui dire qu'il avait "le coeur soulevé" en voyant le nombre de victimes déjà provoqué par son entêtement, Kadhafi, désespérément aveugle à la réalité de la situation, lui a rétorqué qu'il ne s'agissait là que de quelques activistes d'al-Qaida.
Blair, ambassadeur de bonne volonté...
Tony Blair est très certainement le dirigeant occidental qui connaît le mieux le colonel Kadhafi. Tous deux s'appellent par leur prénom depuis que Blair, en avril 2004, en se rendant à Tripoli, avait servi d'ambassadeur de bonne volonté auprès du dictateur libyen pour le faire revenir dans le droit chemin et lui faire abandonner le projet de se doter d'armes de destruction massive, aussi bien nucléaires que chimiques. Et surtout en lui arrachant la promesse de ne plus céder au terrorisme dans lequel il s'était si tragiquement illustré en commanditant l'attentat de Lockerbie et celui du DC1O français d'UTA.
Kadhafi avait alors livré à la justice britannique les responsables de l'attentat de Lockerbie, abandonné ses recherches sur le nucléaire militaire et obtenu, du coup, de ne plus figurer dans l'annuaire infamant des pays terroristes avec lesquels tout commerce international est prohibé. Le Britannique avait évidemment l'espoir, bien illusoire, qu'en devenant un pays fréquentable, la Libye serait aussi un régime un peu moins dictatorial et sanguinaire.
... et dindon de la farce
En 2007, déjà, l'affaire des infirmières bulgares menacées de mort sous l'accusation absurde d'avoir introduit le sida en Libye était signe que la folie régnait toujours dans la Jamahiriya kadhafienne. L'ordre qu'il a donné de réprimer les manifestations en tirant et en bombardant au mortier et à la roquette son propre peuple, cette brutalité aveugle que l'on n'avait heureusement pas connue jusqu'alors dans les autres révolutions arabes, montre que Kadhafi est bien resté celui que Ronald Reagan taxait de "chien fou".
Et le dindon de la farce pourrait bien être le malheureux Tony Blair, déjà critiqué par la presse de son pays pour une démarche que certains jugent douteuse. Car Saïf al-Islam, fils de Kadhafi, a voulu le mettre un peu plus en porte-à-faux en glissant à l'oreille de journalistes anglo-saxons que la démarche de l'ancien Premier ministre britannique était loin d'être désintéressée. Il y aurait même eu, selon lui, des millions d'euros à la clé, car il était, disait-il, en affaires avec la LIA, autorité d'investissement libyenne en Afrique. Blair a vigoureusement démenti. Mais, on le sait trop, à notre époque, il faut dix démentis pour tuer un mensonge.
http://www.lepoint.fr/chroniqueurs-du-point/michel-colomes/tony-blair-l-ami-anglais-de-kadhafi-01-03-2011-1301047_55.php