Par Ivana Pejčić

- Intervention des forces spéciales
du ministère de l’Intérieur
En Serbie, il existe une vingtaine de groupes organisés actifs dans le trafic de drogue. Majoritairement implantés dans les grandes villes comme Belgrade, Novi Sad, Niš, Jagodina, et dans la région de Novi Pazar, ce sont des groupes bien structurés mais dont l’importance ne dépasse pas celle des autres groupes organisés de la région, et n’a plus rien à voir avec celle de l’ancien clan de Zemun de Dušan Spasojević, selon les informations du Département pour la lutte contre le trafic de stupéfiants. Les inspecteurs de ce département spécialisé, qui fonctionne au sein du Service pour la lutte contre la criminalité organisée (SBPOK), affirment en outre que les mafias serbes n’ont pas de « parrains » au sens où on l’entend habituellement.
Projet de stratégie nationale
Le ministère de l’Intérieur serbe (MUP) occupe une position de leader dans les Balkans en ce qui concerne la lutte contre le trafic de drogues.
Ainsi, en 2008, le MUP a saisi environ 1,7 tonne de drogue, dont une tonne et demi de marijuana, 200 kilogrammes d’héroïne et 10,5 kilogrammes de cocaïne. Saisie-record : 275 kilogrammes de marijuana. C’est la drogue la plus présente en Serbie : elle est non seulement cultivée sur tout le territoire national, mais aussi importée d’Albanie et du Monténégro.
Pour nos interlocuteurs du MUP, la lutte contre le trafic de drogue nécessite l’adoption d’une stratégie nationale. Un projet dans ce sens a été élaboré, que le gouvernement doit maintenant adopter. Selon la police, pour lutter efficacement, il est indispensable de créer une institution qui coordonne les activités des différents ministères dans ce domaine.
Le prix de la drogue dépend du lieu où on l’achète : en Afghanistan, un kilogramme d’héroïne revient à 6.000 euros, tandis que son prix monte à 30.000 euros dans les pays d’Europe occidentale. La Serbie se situant à mi-chemin, le prix de l’héroïne y est la moyenne de son prix à Kaboul et à Paris ou Londres.
Nos interlocuteurs indiquent que la cocaïne arrive d’Amérique du Sud par les ports et aéroports grecs et italiens. Les drogues de synthèse comme l’extasy, les amphétamines où la métamphétamine suivent le chemin inverse : elles viennent pour la plupart des Pays-Bas et de Belgique, et en partie de Pologne et d’Allemagne.
Les frontières de l’UE ouvertes à la drogue
La Serbie se situe sur « la route des Balkans » empruntée par l’héroïne. Le Département pour la lutte contre le trafic de stupéfiants estime que plus de 80% de l’héroïne destinée au marché occidental passe par cette route, 80% de la production mondiale provenant d’Afghanistan.
L’héroïne qui entre en Serbie passe auparavant par la Turquie ou la Bulgarie. Une fraction reste dans le pays, mais la plus grande partie est destinée à l’Europe occidentale, souligne le ministère de l’Intérieur. Elle peut aussi passer par la Macédoine ou la Roumanie. De Macédoine, l’héroïne est ensuite transférée sur le territoire du Kosovo, pour être enfin diffusée dans les pays de l’UE.
Nos interlocuteurs soulignent que les routes traversant la Roumanie sont de plus en plus suivies. Les données de la police bulgare indiquent que l’itinéraire Turquie-Bulgarie-Roumanie était en 2007 le plus populaire, de 20%.
Une fois entrés dans l’UE, les trafiquants préfèrent se rendre directement dans les pays d’Europe occidentale plutôt que de se soumette aux formalités de la frontière serbe, expliquent les agents du Département pour la lutte contre le trafic de stupéfiants.
Ils ajoutent que le territoire du Kosovo est un point-clé du trafic d’héroïne, avec des groupes criminels très puissants. Des saisies en Serbie et en Europe occidentale ont indiqué qu’une grande quantité provenait du Kosovo. Mais pour engager n’importe quelle action sur le territoire du Kosovo, il faut coopérer avec la Minuk (Mission d’administration intérimaire des Nations unies au Kosovo), et pour l’instant cette coopération n’a pas donné les résultats escomptés. Les délinquants restent donc inaccessibles aux polices européennes, expliquent nos interlocuteurs.
Au Kosovo, le trafic de drogue est contrôlé par des « familles » dans lesquelles il est très difficile d’infiltrer des agents. En effet, elles ne coopèrent qu’avec des partenaires qu’elles choisissent elles-mêmes et exigent la connaissance de l’albanais.
De plus, les méthodes de travail des trafiquants évoluent constamment : ils analysent toute action policière réussie et cherchent de nouvelles routes et de nouveaux marchés. Les succès de la police résultent du travail sur le terrain en collaboration avec des « informateurs ». Les inspecteurs du Département pour la lutte contre le trafic de stupéfiants soulignent que le suivi des groupes criminels internationaux représente la partie la plus importante de leur travail.
Nos interlocuteurs expliquent qu’il est souvent impossible de détecter la drogue lors de contrôles de routine car elle est cachée dans les lieux les plus incroyables, des cachettes spécialement créées pour les automobiles.
Trafic de drogue : les nouveaux visages de la « Serbian connection »
Traduit par Jasna Andjelić
Publié dans la presse : 12 janvier 2009
Mise en ligne : jeudi 15 janvier 2009
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