Par Michaela Iordache

- Des citoyens roumains fuyant Gaza
Dès le début de l’offensive israélienne, le ministère roumain des Affaires Etrangères avait exprimé, via un communiqué, sa profonde préoccupation quant à l’escalade des violences à Gaza, en affirmant en outre l’urgente nécessité de cesser les actions militaires et d’assurer les conditions idoines pour permettre l’accès de l’aide humanitaire et dans la zone et assurer la protection des civils.
Bucarest s’intéressait en priorité au sort des citoyens roumains présents dans la zone. Selon plusieurs estimations, plus de 1000 citoyens roumains vivent à Gaza. il s’agit majoritairement de femmes mariées à des Palestiniens et de leurs enfants. Jusqu’à présents, seuls quelques citoyens roumains qui souhaitaient quitter Gaza ont réussi à le faire. La bureaucratie, les limites imposés par les Israéliens et les raids quasi permanents ont rendu ces départs très difficiles.
Difficiles départs
Une équipe spéciale du ministère des Affaires étrangères a été chargée de suivre la situation des citoyens roumains à Gaza, en surveillant les informations qui proviennent à Bucarest et dans les missions diplomatiques de Tel Aviv et du Caire. Au 4 janvier 2009, l’ambassade roumaine de Tel Aviv avait réussi à contacter par téléphone 100 personnes. Parmi elles, 55 citoyens roumains (14 femmes, 5 hommes et 36 enfants) et 9 Palestiniens qui avaient demandé l’aide consulaire roumaine pour abandonner la zone. Selon le ministère des Affaires étrangères roumain, le personnel de l’ambassade en Israël chercherait à contacter par téléphone les membres de la communauté roumaine à Gaza pour les informer sur la procédure à suivre pour quitter la zone du conflit.
Pour réussir à partir, les Roumains doivent posséder des documents en cours de validité (pour beaucoup de personnes, ce n’est plus le cas depuis longtemps) et, surtout, ils doivent obtenir l’aval des autorités israéliennes. En pratique, l’ambassade roumaine à Tel Aviv reçoit les demandes et les transmet aux autorités israéliennes pour obtenir l’autorisation finale. Les Palestiniens mariés à des citoyens roumains peuvent solliciter un visa.
Le 5 janvier, Israël a approuvé une liste transmise par l’ambassade roumaine à Tel Aviv et donné le feu vert au départ de 63 citoyens roumains ou de détenteurs de la double citoyenneté, roumaine et palestinienne. Mais une majorité de personnes a décidé au dernier moment de ne pas partir. Certains journalistes roumains ont signalé que les maris palestiniens auraient incité leurs femmes et enfants à ne pas quitter Gaza. Seuls quatre Roumains, un père et ses trois enfants, ont finalement pu quitter Gaza.
Ce même 5 janvier, cependant, le premier autobus rempli d’étrangers qui avaient obtenu l’autorisation de partir a dû revenir dans la ville de Gaza, à cause des raids aériens et de la décision de la Croix Rouge de ne pas assumer la responsabilité du voyage.
Le jeudi 8 janvier, un groupe de 20 Roumains, composé de quatre familles, a toutefois réussi à sortir de Gaza avec l’aide de la Croix Rouge. Le groupe est arrivé dans la soirée à l’aéroport Otopeni de Bucarest. Une des membres de ce groupe a déclaré que les autorités roumaines ne les ont pas aidés à payer le billet d’avion et ce sont, apparemment, d’autres compatriotes résidant en Jordanie qui ont résolu la situation. Les Roumains restés à Gaza n’ont pas d’argent parce que rien ne fonctionne plus dans une ville où les banques sont fermées depuis longtemps. Une citoyenne roumaine, interviewée par une télévision de Bucarest, a affirmé qu’il resterait au moins 60 autres Roumains voulant quitter Gaza, mais qui n’ont pas les documents nécessaires, et que l’ambassade à Tel Aviv « ne fait rien ».
De bonnes relations avec le monde arabe et avec Israël
En attendant, Bucarest invite les citoyens roumains qui se trouvent dans la zone de conflit à s’abstenir de « toute action qui pourrait provoquer de fortes réactions entre les parties touchées par le conflit ». L’analyste de politique étrangère Bogdan Chireac expliquait, dans le quotidien Evenimentul Zilei, ce que devrait être, à son avis, la position de la Roumanie dans ce conflit : celle de la prudence, étant donné que Bucarest a de très bon rapport et d’intenses relations économiques avec Israël.
Le journaliste rappelle cependant que depuis l’époque de Ceausescu, la Roumanie conserve des relations « préférentielles » avec beaucoup de pays arabes et avec certains de ses dirigeants importants qui ont étudié en Roumanie. Pour sauvegarder ces relations, la Roumanie pourrait offrir de l’aide humanitaire à Gaza ou bien soutenir un engagement similaire dans le cadre de l’UE. Pour le moment, cependant, la Roumanie ne prend aucune initiative et, au bout du compte, les seules décisions importantes sont prises par les Etats-Unis, soutient Bogdan Chireac.
Dans les colonnes de Cotidianul, l’historienne Zoe Petre, soutient que l’offensive israélienne est liée à deux événements internationaux : le changement de présidence de l’UE et l’investiture prochaine de Barack Obama. « Deux éléments d’analyse sont à considérer de manière séparée. D’un côté, nous pourrons parler de la situation permanente de guérilla que le Hamas entretient en terrorisant la population israélienne, alors que sa propre population n’ose pas s’opposer à la vague de violence. D’un autre côté, il faut aussi prendre en considération le moment choisi par Israël : le changement de présidence de l’UE avec le passage d’un acteur actif comme la France à la République Tchèque, qui risque d’être plus passive, et la période de transition de l’administration Bush à celle d’Obama ». Pour Zoe Petre, le plan d’Israël se propose de réduire au minimum la logistique de Hamas pour négocier ensuite avec les fractions palestiniennes qui sont plus disposées au dialogue.
La presse de Bucarest cite aussi EuroObserver, selon lequel les États membres de l’UE en 2007 ont exporté vers Israël des armements d’une valeur de 200 millions d’euros.
Parmi les principaux exportateurs, la France (126 millions d’euros), l’Allemagne (28 millions d’euros) et la Roumanie (17 millions d’euros). Un autre aspect pris en compte par les analystes roumains est la possibilité d’un élargissement du conflit avec un engagement du Hezbollah libanais, ou encore l’hypothèse dramatique d’une internationalisation de la guerre, si l’Iran décidait d’intervenir. De nombreux économistes soulignent les risques qu’engendrerait la superposition de la crise dans la région de production de pétrole à la crise financière et économique mondiale en cours.